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L’année 2020 ne sentait pas bon pour les parfumeurs
Si toutes les industries du monde ont dû s’adapter à la crise sanitaire à laquelle nous faisons toujours face, l’industrie cosmétique a dû redoubler d’audace pour survivre. Et ça a du sens: on sort moins, voire plus du tout, donc la coquetterie semble prendre le bord, ces temps-ci. On peut observer que les ventes de rouge à lèvres, par exemple, ont connu un dur coup, vu le port quasi systématique du masque en public.
Je me suis donc demandé comment se portait l’industrie du parfum. Dans un monde où tout le monde doit se tenir à deux mètres de distance les uns des autres, est-ce que les gens continuent de se parfumer? J’ai posé la question à deux experts québécois.
Changer de cap à mi-chemin
Au début de l’année 2020, la parfumerie montréalaise Les Vides Anges se préparait à vendre ses parfums dans des boutiques, et avait déjà des centaines de flacons prêts à être envoyés. Son fondateur, August Parise, tient depuis 2018 cette ligne de parfum « niche », même s’il admet ne pas être partisan de ce terme.
L’année 2020 aurait facilement pu faire déraper la jeune entreprise.
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C’est plutôt pour éviter la monotonie dans son quotidien que le parfumeur autodidacte a décidé que Les Vides Anges se spécialiserait dans des séries limitées. Sur le site, seulement trois fragrances font partie de leur collection permanente. Tous les autres parfums sont tirés à seulement 50 flacons. «Tout est fait à la main chez nous. Parfois, ta main tremble un tout petit peu, et tu te retrouves avec quelques milligrammes de plus d’un ingrédient dans ta formule. C’est ce qui donne à chaque lot sa personnalité unique, même dans nos fragrances-phares.»
Et l’année 2020 aurait facilement pu faire déraper la jeune entreprise.
«Après deux ou trois mois, les ventes de parfums n’étaient toujours pas ce qu’on aurait voulu.»
«En mars, au premier confinement, on a décidé de concentrer tous nos efforts sur comment rendre notre marque plus visible, de notre présence sur les réseaux sociaux à notre manière de communiquer avec les clients. Après deux ou trois mois, les ventes de parfums n’étaient toujours pas ce qu’on aurait voulu», raconte August.
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Alors qu’il déménageait son entreprise dans un nouveau laboratoire, plus grand et plus près de son domicile, en vue de faire grandir son entreprise, le parfumeur confie avoir eu peur de devoir fermer son opération après seulement deux ans.
«On a réalisé que tout le monde voulait des fragrances pour la maison.»
Mais le confinement a eu un effet inespéré pour la petite opération de seulement trois employés, explique August Parise: «On a réalisé que tout le monde voulait des fragrances pour la maison. On s’est mis à vendre plein de chandelles, d’huiles pour les diffuseurs, de parfums d’ambiance! C’est vraiment ce qui nous a aidés à survivre et rester viables.»
L’intelligence artificielle au service de la parfumerie
De l’autre côté de l’océan, à Paris, un autre Québécois autodidacte en parfumerie a connu une année rock’n’roll, mais somme toute positive.
Nicolas Cloutier ne s’attendait certainement pas à vivre dans un monde où les rapprochements seraient interdits, mais le modèle d’affaires éclectique de la parfumerie Nose, qu’il a cofondée en 2012, a clairement aidé la compagnie à tirer son épingle du jeu.
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«On a déconstruit et reconstruit plus de 25 000 formules, qui datent du XIVe siècle à aujourd’hui.»
En avance sur son temps, Nicolas Cloutier a eu l’idée de développer une intelligence artificielle qui recommande des parfums aux consommateurs. Elle crée des diagnostics-parfum, en sept questions de profil. «On a déconstruit et reconstruit plus de 25 000 formules, qui datent du XIVe siècle à aujourd’hui, qu’on a catégorisées dans une base de données. On a rajouté une intelligence artificielle par-dessus, avec du machine learning, pour arriver à créer un portrait olfactif, et on vous proposera cinq parfums parmi les 750 parfums qu’on vend chez Nose aujourd’hui!», explique Nicolas Cloutier.
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Les experts extrêmement compétents de la boutique complètent le diagnostic, et pour seulement 10 euros, Nose vous envoie vos cinq échantillons pour que vous les essayiez.
Le numérique pour faire face à la vague
Et leur concept visionnaire les a aidés à survivre. «On était un des acteurs qui était le mieux préparé pour le numérique, dans l’industrie», dit Nicolas Cloutier, ajoutant que sa clientèle n’a pas vraiment arrêté de se parfumer.
En France, la crise sanitaire a été gérée quelque peu différemment, et beaucoup de commerces de la capitale ont souffert de l’absence soudaine des dizaines de millions de touristes qui y passent annuellement. Nicolas me raconte qu’un samedi après-midi normal voit entre 200 et 300 clients passer par leur chic boutique du 2e arrondissement, qui au final est restée fermée une bonne partie de 2020.
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Le marché est en période de transformation, où l’accent sera mis sur l’individualité des clients.
L’offre en ligne, la plus-value de leur système d’intelligence artificielle et la clientèle cosmopolite de Nose leur ont permis de voir une croissance à deux chiffres pour l’année 2020. «75% de notre clientèle est internationale, on a des clients de l’Asie à l’Amérique du Sud, vraiment partout dans le monde. Les cycles de pandémie n’ont pas été égaux sur toute l’année. L’Asie a été touchée en premier, ensuite l’Europe, et ainsi de suite. Donc on l’a vécu en étapes, et au fur et à mesure, certains clients recommençaient à vivre plus ou moins normalement.»
Une fragrance pour chaque personnalité
Alors que plusieurs pays vaccinent leur population contre la COVID-19, on peut espérer que les rapprochements vont recommencer en 2021. Et les deux parfumeurs se préparent déjà pour les défis de l’année prochaine. Nicolas Cloutier me confie qu’il voudrait voir Nose profiter d’un plus grand rayonnement au Canada. August, de son côté, veut continuer d’expérimenter avec différentes odeurs, pour réussir à capturer l’essence de sa vision, et pousser encore plus loin le caractère unique de ses fragrances.
Mais les deux s’entendent pour dire que le marché est en période de transformation, où l’accent sera mis sur l’individualité des clients.
Malgré leurs modèles d’entreprise différents, August Parise et Nicolas Cloutier semblent tous deux avoir à cœur de démocratiser cette industrie, souvent perçue comme étant un peu élitiste, ou exclusive. En changeant notre relation à l’olfactif, ces entrepreneurs de chez nous véhiculent l’idée que notre odeur devrait être aussi unique que notre style vestimentaire ou notre manière de parler. Que ce soit dans notre quotidien ou avec des bougies et des diffuseurs, ou avec un parfum personnel soigneusement choisi par une intelligence artificielle!